Interview croisée de Brahim Asloum Champion Olympique de boxe
Entretien
Mise à jour le 11/07/2024
Rendez-vous était donné à Max Rousié, centre d’entraînements des boxeurs olympiques. Brahim Asloum, habitant du 17e, venu en voisin, n'a esquivé aucune question posée par son maire Geoffroy Boulard.
De son parcours tortueux jusqu'au sommet, aux Jeux olympiques et paralympiques à Paris qu'il attend avec enthousiasme, le champion olympique s'est livré comme sur le ring. Avec passion.
Geoffroy Boulard : Cher Brahim, bienvenue à Max Rousié, le complexe sportif le plus important du 17e, qui accueillera l’entraînement olympique des boxeurs. Que penses-tu de ce choix ?
Brahim Asloum : C’est un très bon choix. Nous ne sommes pas très loin du village et des sites de compétitions. Les athlètes pourront venir facilement à pieds en dix minutes. Nos boxeurs français, même s’ils s’entraînent à l’INSEP*, pourront venir travailler avec des sparring-partners les jours sans compétitions.
*Institut national du sport, de l'expertise et de la performance situé au bois de Vincennes dans le 12e arrondissement
Geoffroy Boulard : La boxe aura lieu sur un site prestigieux. Cela doit être excitant pour un boxeur.
Brahim Asloum : Absolument. Le premier tour et les éliminatoires auront lieu à Villepinte, puis les phases finales à Roland Garros. Des soirées boxe sur le court central, c’est une autre dimension ! Voir 20 000 personnes faire du bruit dans un véritable chaudron pour porter nos athlètes, ce sera assez fou.
Geoffroy Boulard : Le 17e possède une longue tradition de boxe. Je pense à la salle Wagram qui a vu passer des champions légendaires comme Georges Carpentier ou Marcel Cerdan, une salle que tu connais bien pour y avoir organisé des évènements.
Brahim Asloum : C’est une salle mythique. Je souhaitais la remettre au goût du jour quarante après. Dans le 17e, il faut parler de la salle Pouchet, moins connue mais hors-norme, un mythe pour les boxeurs parisiens. C’était LA salle où il fallait gagner. Et si tu gagnais, tu étais considéré comme un crack.
Geoffroy Boulard : Le 17e est aussi une terre de grands champions. Je pense au regretté Jacques Manavian, une figure à Pouchet, Fred Esther, champion d’Europe, votre camarade de l’équipe de France olympique à Sydney en 2000 et éducateur sportif qui nous fait l’amitié de nous ouvrir les portes de cette magnifique salle, et aujourd’hui Walid Wizza, double champion d’Europe, qui est très attaché au quartier.
Cette médaille d'or olympique a changé ma vie
Brahim Asloum : Le 17e est identifié comme un temple de la boxe où on enseigne aux jeunes l'ADN de notre sport, le travail et l'humilité.
Geoffroy Boulard : Faisons un bond de 24 ans en arrière. En 2000 à Sydney, tu deviens champion olympique. Je me souviens de ton émotion sur le podium, ce drapeau français fièrement brandi et tes cheveux teints en blond ! Qu’est-ce que cette médaille a changé pour toi ?
Brahim Asloum : Ça a tout changé dans ma vie. Je viens d’une famille de dix enfants. J’ai dû me battre très tôt, j’avais beaucoup de fragilité physique. À 14 ans, je fais 1m42 pour 34 kg. Une crevette ! La boxe m’a construit. Elle m'a permis d’être l’homme que je suis et de réaliser mon rêve : devenir champion olympique pour la France. Ce n’était plus arrivé depuis 1936 ! J’ai commencé à rêver en regardant les Jeux de 1996. À ce moment-là, je dors boxe, je mange boxe, je vis boxe. J’étais prêt à mourir pour une médaille olympique. Quand j’ai gagné, c’est comme si j’avais vécu dans une pièce noire pendant toute mon adolescence, et là quelqu’un me dit « Monsieur Asloum, l'interrupteur de votre vie est juste là ». J'ai pu enfin voir le monde et me révéler.
Geoffroy Boulard : A qui dois-tu cette réussite ?
Brahim Asloum : A mes parents qui m’ont donné une bonne éducation et beaucoup d’amour. C’est tout ce parcours qui m’a mené à la réussite. Travailler dur, atteindre ses objectifs, réussir et transmettre, c’est ma fierté.
Geoffroy Boulard : Qu’attends-tu de ces Jeux à Paris ?
Brahim Asloum : En 1998, il y a eu cette communion extraordinaire pendant cette coupe du monde. C’est cette France qu’on a envie de voir. Revivons ces émotions ensemble et soyons fiers d’être français !
Geoffroy Boulard : Les Jeux olympiques ont un impact qui va bien au-delà de la compétition. Je me souviens avoir découvert Barcelone en 1992 quand j’étais enfant. Les Jeux ont sans aucun doute contribué à son rayonnement culturel et à son développement économique.
Brahim Asloum : Je suis persuadé que Paris va bénéficier de cette dynamique. Imaginez. L’équitation à Versailles, la Tour Eiffel en toile de fond de plusieurs disciplines, l’escrime au Grand Palais, la boxe Roland Garros, c’est sans égal dans l’Histoire des Jeux olympiques. Les premières médailles françaises vont lancer une énergie collective et emmener dans leur sillage toute une génération, et créer un levier vers une nouvelle vision de l’éducation sportive en France.
Il reste des places pour les Jeux paralympiques qui ne sont pas le parent pauvre des Jeux Olympiques. J'encourage tout le monde à y aller. C'est très spectaculaire !
Geoffroy Boulard : Dans le 17e, nous n'accueillons pas de compétions mais nous ne serons pas sur la touche. Nous vivrons des moments de communion sur le site de festivités au Parc Martin Luther King ouvert tout l’été. Sur la place Richard Baret, la Mairie proposera un village de rugby à 7, sport olympique depuis Rio, pour vivre à fond l’expérience olympique. Notre responsabilité d’élus est d’offrir la meilleure animation aux habitants et le meilleur accueil aux visiteurs qui viendront du monde entier. (Gong ! reprise de l'échange)
Geoffroy Boulard : Sur la Chaîne l’Équipe, tu as exprimé ton ras-le-bol contre le bashing des Jeux olympiques à Paris. Je partage totalement ton avis. Après les échecs de nos candidatures, les Jeux sont une chance unique de faire rayonner la France et de montrer au monde entier notre savoir-faire.
Brahim Asloum : Le Français a une réputation de râleur. Est-ce le message qu’on veut faire passer aux jeunes ? Ces Jeux sont l’opportunité de montrer une autre mentalité. Je ne comprends pas qu’on puisse jouer contre notre camp. L’organisation est prête. 90 % des infrastructures sont opérationnelles. Une cérémonie d’ouverture à l’extérieur d’un stade, ça ne s’est jamais fait. On s’en souviendra dans 100 ans ! Je pense à nos athlètes qui se préparent depuis quatre ans. Rien que pour eux, on se doit d’être positif. Je suis persuadé que l’engouement va l’emporter. J’ai confiance en mon pays.
Geoffroy Boulard : Je sens monter cet engouement chez les habitants. Le succès de la Flamme olympique à Marseille a montré que les Français sont prêts à s’enthousiasmer. Il est vrai qu’il y a eu une crispation sur le prix excessif des places. La Mairie du 17e a fait en sorte de distribuer des places via nos associations aux habitants et aux clubs sportifs. J’ajoute qu’il reste des places pour les Jeux paralympiques qui ne sont pas le parent pauvre des Jeux Olympiques. J’encourage tout le monde à y aller. C’est très spectaculaire !
Brahim Asloum : Les paralympiques représentent plus que n’importe qui les valeurs olympiques. Ils sont un exemple pour nos jeunes. J’espère que les Français seront au rendez-vous.
Une cérémonie d'ouverture en dehors d'un stade ça ne s'est jamais fait. On s'en souviendra dans 100 ans !
Geoffroy Boulard : Quels sont tes pronostics de médailles pour la France ?
Brahim Asloum : En boxe, quatre médailles sont possibles. En judo, nous sommes forts dans toutes les catégories avec Teddy Riner, un enfant du 17e ! En sports collectifs, l’escrime, l’équitation, le basket, le handball restent des valeurs sûres. Il y aura des surprises, des nouveaux visages, de belles histoires. C’est le moment de pousser nos Français. On est chez nous et on doit se fixer de grands objectifs. La France est capable de battre son record de Rio (42 médailles dont 10 en or). Visons le top 5 mondial !
Geoffroy Boulard : Merci beaucoup Brahim de nous avoir partagé ta passion et ton enthousiasme. Je souhaite une belle olympiade à tous nos athlètes, à tous les habitants du 17e et à tous les visiteurs qui vivront, j’en suis sûr, un été olympique inoubliable à Paris !
Brahim Asloum : Vives les Jeux Olympiques ! Vive le 17e !