Hommage à Dominique Bernard et Samuel Paty
Évènement
Mise à jour le 17/10/2023
Le 16 octobre à 18h, les élus, les enseignants et les habitants de l'arrondissement se sont réunis place de la Mairie pour rendre hommage à Dominique Bernard, professeur assassiné le 13 octobre, ainsi qu'à Samuel Paty, également assassiné trois ans plus tôt.
Discours de Geoffroy Boulard
Monsieur le Ministre,
Madame la Députée,
Mesdames et Messieurs les Conseillers de Paris,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
« Vous tenez en vos
mains l’intelligence et l’âme des enfants. Vous êtes responsables de la patrie ».
C’est parce qu’il
tenait en ses mains l’intelligence et l’âme de nos enfants, que Dominique Bernard a été tué,
sauvagement, il y a trois jours.
C’est parce qu’il
représentait le savoir, la connaissance, l’émancipation des êtres, qu’un
terroriste islamiste a pénétré dans un lycée à Arras, qu’il a blessé un
professeur d’éducation physique, un agent d’entretien et le chef de l’équipe
technique de l’établissement, et, qu’il a assassiné
froidement ce professeur de français, au nom
d’un ignoble obscurantisme qui
bouleverse le monde, notre monde.
Alors une fois de plus,
une fois de trop, et en réponse à l’appel de l’Association des Maires de
France, dans les écoles, devant les mairies, sur les places de nos
villages, nous nous réunissons pour honorer la mémoire de ces héros du
quotidien et de toutes les victimes du terrorisme islamiste.
Une fois de plus, une
fois de trop, nous ressentons le
besoin de réaffirmer notre attachement viscéral aux valeurs de la République.
Cette liberté, cette égalité, et cette fraternité qui sont le socle indiscutable de notre Nation commune, que
l’on essaye de détruire.
Une fois de plus, une
fois de trop, nous devons expliquer l’inexplicable à nos enfants,
qui voit un terroriste entrer dans un lycée, dans une école.
Cette école qui doit rester un sanctuaire de la République ! Ce lieu où les différences de culture, de religion, de milieu
social, n’ont plus cours. Car où va une société où l’on se définit par ce qui nous
différencie, plutôt que par ce qui nous réunit ?
Où va une société où le communautarisme prend le pas sur
l’universalisme et le service du bien
commun ? L’Ecole est par excellence le terreau fertile de notre
universalisme.
Samuel Paty, Dominique Bernard, Jonathan Sandler transmettaient
avec passion chaque jour ce savoir universel, cette tolérance, cette ouverture
à l’autre, quels qu’il soient et d’où qu’il viennent.
C’est pour ces mêmes
raisons qu’ils sont morts.
Alors oui, une fois de
plus, une fois de trop, nous redisons notre attachement à la laïcité, qui reconnait
toutes les religions sans distinction. Mais aussi, au respect, à la nécessaire solidarité des peuples
qui fait l’honneur de la France.
Mais les mots commencent
à manquer et les grands principes invoqués finissent par sonner creux.
Pourtant, encore et toujours, nous devons faire bloc sans la moindre hésitation, sans le moindre frémissement
face à tout ce qui participe de près ou de loin à la montée de l’islamisme radical
auquel la France fait face depuis de trop nombreuses années.
Aucune excuse, aucune
justification n’est plus acceptable.
Aucune faille non plus, car les terroristes s’engouffrent aussitôt
dedans.
Nous devons donc unanimement
condamner les horreurs perpétuées sur notre sol mais aussi, bien sûr,
celles qui font rage en Israël depuis plus d’une semaine, portées par l’antisionisme, nouvel habit de l’antisémitisme.
Cet hommage aujourd’hui est aussi
celui des victimes du Hamas, des otages et de leurs familles endeuillées et
désespérées.
Mais nos mots et cette nécessaire unité nationale ne suffisent
plus en France. Combien de temps devrons-nous
encore nous réunir dans les écoles, devant les mairies et sur les places de
nos villages ?! Tout doit être mis en œuvre pour protéger nos concitoyens. Évidemment, l’arsenal législatif et judiciaire doit être adapté aux nouveaux comportements de
radicalisation et doit aussi être appliqué. Le principe de précaution doit désormais guider ce combat.
Je ne me résous pas à
élever mes enfants dans un monde où des terroristes entrent dans les écoles
pour tuer leur professeur, ou
assassiner des policiers à leur domicile !
Je ne me résous pas à
leur expliquer pourquoi des hommes
tuent, torturent, violent, massacrent des femmes et des enfants parce qu’ils
sont juifs ;
Je ne me résous pas à voir bafoués
les valeurs et les principes de notre République que je leur ai transmis.
Chers amis, avant de nous recueillir en mémoire de Dominique
Bernard, Samuel Paty, ou Jonathan Sandler, je veux redire à travers eux notre reconnaissance, notre soutien,
à tous les enseignants de France qui « tiennent en leurs mains
l’intelligence et l’âme de nos enfants ». Qu’ils en soient solennellement remerciés et que nous leur rendions
hommage par une minute de silence.
Geoffroy Boulard
Lecture de la Lettre d’Albert Camus à son instituteur, par Roxane Durcat, en 4è au Collège Mallarmé
19 novembre 1957
Cher Monsieur Germain,
J’ai laissé s’éteindre un peu le bruit qui m’a entouré tous ces
jours-ci avant de venir vous parler un peu de tout mon cœur. On vient de
me faire un bien trop grand honneur, que je n’ai ni recherché ni
sollicité. Mais quand j’ai appris la nouvelle, ma première pensée, après
ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que
vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre
enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je
ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur mais celui-là est du
moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours
pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le
cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos
petits écoliers qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre
reconnaissant élève.
Je vous embrasse, de toutes mes forces.
Albert Camus
Albert Camus
Lecture de la lettre aux instituteurs et institutrices de Jean Jaurès par Adams Keita, en 3è au Collège Carnot
Vous
tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes
responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront
pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne
au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont
Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son
histoire: son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent
savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels
devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront
hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils
sachent quelle est la racine de toutes nos misères: l’égoïsme aux formes
multiples ; quel est le principe de notre grandeur: la fierté unie à la
tendresse.
Il
faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine
domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de
l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre
extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la
grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de
l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie,
et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de
l’obscurité et de la mort.
Eh
quoi! Tout cela à des enfants! — Oui, tout cela, si vous ne voulez pas
fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles sont les
difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils ne
sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été
le peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de
l’école, des rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et
je plaindrais ceux d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du
peuple une grande ambition, si cette grande ambition ne supposait un
grand courage. […]
Sachant
bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept
ou huit livres choisis, une idée, très générale, il est vrai, mais très
haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de
l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France
dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier
travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il
fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur
donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on
sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse
transformation! et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques
traits, de faire sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine!
[…]
Je
dis donc aux maîtres, pour me résumer: lorsque d’une part vous aurez
appris aux enfants à lire à fond, et lorsque d’autre part, en quelques
causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses
qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait
sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs. Dans chaque
intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses
changeront.»
Jean Jaurès, La Dépêche, journal de la démocratie du midi, 15 janvier 1888
Hommage à Dominique Bernard
En réponse à l'appel de l'Association des Maires de France
la mairie du 17e vous invite à un
RASSEMBLEMENT
en hommage à Dominique Bernard,
enseignant sauvagement assassiné à Arras vendredi, ainsi qu'à
Samuel Paty, enseignant assassiné le 16 octobre 2020.
Unissons-nous pour honorer leur mémoire.
lundi 16 octobre à 18h
Place Richard Baret
Mairie du 17e